Pour commencer comme une mauvaise bande-annonce d'un encore plus mauvais film : en Afrique, on dit qu'il faut tout un village pour élever un enfant. En Amérique, la tâche est laissée à une seule personne : la nounou.
Fort mauvaise intro pour vous parler d'un phénomène trop peu respecté en nos contrées sauvages : le non-enfantage volontaire.
D'abord, que ceux qui se croient informés se rassurent : non, ce n'est pas un phénomène moderne et grandissant que celui de la femme choisissant de ne pas enfanter. Je sais bien qu'on va vous dire (les conservateurs de tous bois) qu'avec l'émancipation féminine, de plus en plus de femmes choisissent pour leur carrière, au lieu de la maternité.
C'est faux.
Depuis aussi longtemps qu'on puisse se souvenir et que les études furent faites, on sait que dans chaque culture, un pourcentage stable de femmes choisit de ne pas faire d'enfants. Comme je suis une très mauvaise élève, je ne sais plus quel est ce pourcentage mais c'est je crois entre 10 et 12, si mes souvenirs sont bons.
Ces femmes, dont l'énergie n'est pas utilisée par la vie de ménage, peuvent développer leur potentiel créatif, et sont souvent des aides précieuses à la société. Et souvent, elle servent de maman de secours à leurs soeurs enfanteuses, qui dans un un moment de trop, de crise, ou tout simplement un besoin de calme et de retour à soi, déposent les enfants chez les tatas.
Tatas qui, par leur état de non-mère, ont souvent un lien privilégié avec leurs neveux. Avec un rôle qui n'est pas seulement celui de l'adulte de secours, mais aussi celui du confident, un "reliable". Un qui ne juge pas en tant que parent, mais un adulte quand même. Un qui peut se mettre à la disposition de l'enfant, tout entièrement, puisque pas pris par son propre foyer. Un adulte de secours, pas seulement en temps de crises, mais aussi pour le plaisir.
Et je revendique mon droit de non-enfantage. Je revendique le droit d'être la vieille tante folle, chez qui on peut faire les trucs qu'on fait pas à la maison, à qui on peut poser les questions qu'on ne veut pas poser à papa, chez qui on peut vider son sac sans avoir à s'en souvenir tous les matins au petit dèj.
Je revendique mon droit de non-enfantage, pas par égoïsme, mais parce que je pense sincèrement apporter plus au monde en n'enfantant pas. Parce que je péfère être comme la Jeanne de Brassens, une "mère universelle". Alors être mère de trois poulpiquets, à quoi bon...
Je revendique mon droit au non-enfantage, indépendant de ma tendresse ou non pour les enfants des autres. Que ni par mépris de l'enfant, ni par dégoût, ni même par angoisse de la maternité (même si on est tous d'accords que l'accouchement, bon...), mais pour adhérer à la Brigade des Tantes, me poster fidèle adulte de secours quand nécessaire et fidèle gâteuse de neveux quoi qu'il arrive. Seulement, pas productrice de cousins et de cousines. Productrice d'autres choses, oui. tisseuse de moments. créeuse de mondes. comme eux. et avec eux.
Et c'est avec une tranquilité sereine que je laisserai mes gènes admirables mourir avec moi. Je sais depuis longtemps qu'on survit dans bien plus que ses enfants.
Et reconnaissante que notre monde ne nous oblige plus à s'emménager pour survivre, nous femmes, je me ferai l'honneur d'en profiter, de vivre avec légèreté, et avec j'espère un peu plus de sagesse les jours finissants.
Lorsque J.M Barrie, l'auteur de Peter Pan a enfin concédé à dévoiler en 1911 l'apparence de son (jeune?) héros, voilà ce qu'il a dit :
"Vous pouvez retrouver son image, son esprit et sa toujours joyeuse humeur dans le monde entier, reflétée dans le visage de beaucoup de femmes n'ayant pas d'enfants".
Mes respects à toutes les enfanteuses.
Moi, j'espère rester une Peter Pan encore longtemps.
Edit - Rendons à Lizzie ce qui est à Lizzie, j'ai piqué le sujet dans le dernier bouquin d'E. Gilbert, Commitment. Mails il m'a trop parlé pour que je le laisse se raconter par chez elle.