lundi 20 décembre 2010

où la vie est méchante

je suis une inadaptée. je l'ai toujours su :  je me suis plantée de période au moment de venir sur terre.

j'ai un nouveau téléphone, qui sonne vachement bien. je l'ai déjà dit. sauf qu'il faut valider 50 fois avant que quelque chose soit validé. d'où le nombre de messages attendant d'être envoyés parce que je crois qu'ils le sont déjà. ou bien le réveil qui ne sonne jamais puisqu'il attend que oui oui, je lui confirme une dernière fois que je veux bien être réveillée à l'inhumaine heure suivante. ou bien le mode silencieux qui reste silencieux jusqu'à ce me que je rappelle qu'il est toujours en silencieux, soit une semaine plus tard.
rien de dramatique : personne m'appelle jamais. je paye un crédit pour rien du tout. quand je regarde dans mes archives, j'ai que des sms de mes patrons qui me demandent si je veux venir plus tôt, plus tard, pas du tout et comment va le chat de mon prof de chant.
mes gens m'appellent sur skype. d'autres il n'y a.


"n’éteins jamais ton téléphone, la Scala peut toujours téléphoner."
ce fut le conseil du jour.
donné par un gentil ténor collègue de Bachkoor.
la belle vie des ténors.
je m'en souviendrai.


   Moi je suis très "signes". genre, la vie te pousse dans tel sens. te conseille de ne pas aller dans celui-là. en général, quand on est dans une bonne vague, tout se conjoncture comme il faut, et c'est pour moi toujours une confirmation du monde, que oui, j'ai fait les bons choix, je suis dans les bon procès.
la difficulté là dedans, c'est comment juger de quel est le message derrière le signe.
   Là, par exemple, j'ai eu une chance de dernière minute de chanter au Concert Gebouw. Un choeur s'est échoué en Allemagne pour cause de neige. Il doivent chanter le Weihnachts Oratorium de Bach au Concert Gebouw d'Amsterdam, dimanche soir-même. y faut un choeur pour les remplacer, si nous on veut pas le faire. 
(je rappelle que la dernière personne que j'y ai vu, au Concert Gebouw, c'était Renée Flemming RENÉE FLEMMING) (c'est la classe internationale, de chanter au Concert Gebouw. pour ne rien gâcher, on est payé 200 euros par personne.)
    Message reçu dimanche à 15h45, lors de l'allumage dudit téléphone. 7 appels manqués. plus un mail (pas ouvert ma boite aujourd'hui). Concert de dernière minute. 200€,  tout ça. Répétition prévue à 16h30, à Amsterdam, si je veux bien me joindre à eux. 
    Donc quand même, on pourrait se dire :  "juste à temps Lulu, tu a cette chance, on te tire à l'oreille au dernier moment, vas-y fonce".
  Je mets 5 minutes à comprendre de quoi il 's'agit, si c'est pas un mail d'hier (hier on avait un concert aussi). J'essaie de joindre l'organisatrice, je trouve pas son numéro.
Je réécoute 7 fois les 5 message en espérant trouver la fonction "rappeler votre correspondant" mais ça n'existe pas. ni la fonction "passer au message suivant", d'ailleurs.
   Puis je me décide à y aller. si je choppe un taxi, j'ai juste le temps d'être à l'heure, peut-être. (bon, ça fait djà un grand trou dans les 200 euros, mais je m'en fous). j'ai le coeur qui cogne fort. Je suis bien contente d'avoir pas déballé mes affaires la veille, que ma tenue de concert et le reste soit encore prêt.
   J'appelle un taxi et je courre comme une folle jusqu'au bout la rue. dans mon excitation, j'ai oublié mon sac à main. je recourre jusqu'à la maison, je grimpe les escaliers 4 à 4, et je recourre jusqu'au bout de la rue. le taxi est là. tout va bien. je suis essouflée comme une dingue, j'ai la gorge en papier de verre de l'idiote qui fait un sprint à froid par moins dix degrés. (je ne me suis pas chauffée la voix. bonjour le professionnalisme.)
   Puis finalement, je suis terrassée dans le taxi qui m'amène au Concert Gebouw, par une attaque de malédiction féminine qui m'oblige illico à rebrousser chemin et à finir la soirée dans mon lit à chialer comme une pauvresse.
(c'est ma faute, je le sais très bien : j'ai couru. et quand je suis malédictionnée, quand je cours, ça réveille tous les pires symptômes qui soient : nausée horrible, crampes insoutenables, tremblements, bouffées de chaleur, sueurs froides, sentiment d'être au bord de l'evanouissement et des fois évanouissement complet. NE PAS COURIR. le mieux toute facons c'est de rester couchée. m'enfin au pire, y aller mollo. c'est ça la malédiction.)
J'ai couru.

   Donc le message que je saisis derrière le "signe" à ce moment-là c'est plutôt : mais laisse tombeeeeeer,  regarde, on te donne des belles chances, voilà ce que tu en fais, arrête de te faire des films et retourne faire caissière chez super U, pôve nulle en slip. 
le tout accentué par le petit espoir que peut être, l'essai encore, la dernière tentative, et le ratage absolu.
c'est pas juste : tu l'as su trop tard. c'est : tu l'as su juste à temps, mais c'est quand même non.
   Puis le destin t'en rajoute une couche en te permettant tout de même de remplacer ta collègue de service au restaurant le lendemain. donc faire un extra au Concert Gebouw, non, faire un extra de service, oui.
   Et le destin décide de t'achever le jour d'après en faisant venir manger au resto un ténor qui chante aussi dans le même choeur que toi, qui lui était bien là hier au Concert Gebouw, et qui a dit que c'était de la folie pure, un truc de malade, une fête de ouf et que vraiment, j'avais manqué quelque chose. (mes patrons ont dit : "il est probablement venu dépenser tout son cash de la veille, le salopiot")

hm.

cherchons l'explication à tout ça.
c'est dur.
ça fait mal.

le plus positif que j'ai trouvé, c'est "Allô, fais-toi des amis, aie une vie sociale, fait en sorte de te servir tellement de ton téléphone que c'est la première chose à laquelle tu pense : l'allumer, ça t'évitera de manquer des occasions formidables".

mais quand même.
ça fait mal.

la prochaine fois je veux me réincarner en ténor.

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c'est trop aimable, j'en perds mes mots